Manifestation pour le climat 2

Quatre arguments pour convaincre les négationnistes de protéger l’environnement

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Le mois dernier, les trolls de Twitter ont trouvé une nouvelle cible pour leurs attaques. Si lors de la pandémie, ce sont les épidémiologistes, cette fois, ce sont les scientifiques de l’Agence météorologique nationale (AEMET) qui ont reçu insultes et menaces pour leurs informations sur l’augmentation inquiétante des températures et la sécheresse attendue cette année. Et ils ne sont pas les seuls.

Selon la prestigieuse revue scientifique Nature, des dizaines de chercheurs en climatologie du monde entier ont été harcelés sur les médias sociaux pour leur travail par un groupe de personnes très spécifique : les négationnistes du changement climatique.

Le changement climatique est une menace réelle et palpable, en particulier dans des pays comme la France, et plus de 99 % des études scientifiques s’accordent à dire que l’action de l’homme sur la planète en est la cause.

Pourtant, des milliers de personnes dans le monde le nient, et ce n’est pas une coïncidence. Pendant des décennies, les entreprises de combustibles fossiles ont dépensé des millions en lobbying, jetant le doute sur des données scientifiques irréfutables et refusant de modifier leur modèle d’entreprise, alors que les effets des combustibles fossiles sur le climat sont avérés depuis les années 1970.

Aujourd’hui, ces entreprises, en particulier les compagnies pétrolières et gazières, continuent d’être très présentes lors des sommets sur le climat tels que la COP27, où leurs représentants étaient plus nombreux que ceux de n’importe quelle autre délégation nationale.

En outre, ces arguments sont encore évoqués dans certains médias, où un scientifique est généralement présenté contre un négationniste ou un théoricien du complot pour donner une vision « équilibrée » de la question. Les hommes politiques tel que Donald Trump minimisent constamment son importance et l’attribuent au « militantisme politique ».

Le négationnisme du changement climatique peut se manifester de différentes manières

  • Remettre en cause l’existence du réchauffement climatique : certains négationnistes affirment que le réchauffement climatique est une invention ou une exagération de la communauté scientifique et qu’il n’est pas réel.
  • Attribuer le changement climatique à des causes naturelles : certains affirment que le changement climatique fait partie d’un processus naturel et cyclique sur Terre, comme les périodes glaciaires, et que l’activité humaine n’a pas d’impact significatif sur ce processus.
  • Minimiser la gravité des conséquences : certains reconnaissent que le climat change, mais affirment que les effets sont minimes ou non nocifs et que l’humanité sera en mesure de s’adapter facilement à ces changements.
  • Démystifier les preuves scientifiques : les campagnes de dénigrement menées par les compagnies d’hydrocarbures tentent de saper la confiance dans la science du changement climatique en soulignant de prétendues incohérences dans les données ou en accusant les scientifiques de manipuler l’information pour promouvoir un programme politique ou économique.
  • Promotion des théories du complot : certains négateurs du changement climatique croient aux théories du complot qui suggèrent que le changement climatique est un canular promu par les gouvernements, les organisations internationales ou les groupes de pouvoir pour contrôler la population ou en tirer des avantages économiques, ou même qu’il est causé par la « pulvérisation » de produits de contrôle du climat à partir d’avions (chemtrails).

Un rapport publié par l’European Public Opinion Project on Climate Change (EPCC) a montré qu’environ 93 % des Européens pensent que le changement climatique est un problème « très » ou « assez » grave.

Cela signifie que seul un petit pourcentage de la population, environ 7 %, ne considère pas le changement climatique comme un problème grave, bien que tous ne puissent pas être considérés comme des négationnistes au sens strict.

Ces chiffres sont plus élevés aux États-Unis, où l’on estime que 10 % des Américains sont des « sceptiques » du changement climatique, et où ces positions sont fortement déterminées par des convictions politiques.

Les causes psychologiques du déni du changement climatique

Les messages des entreprises et des hommes politiques négationnistes tombent sur un terrain psychologiquement fertile. Ces messages exploitent des barrières psychologiques et des stimuli qui s’appliquent également à d’autres croyances (comme le terra-planning, pour citer un cas extrême). Selon une étude publiée dans Nature, les phénomènes psychologiques les plus courants derrière le déni du changement climatique sont les suivants :

  • Distance temporelle : depuis quelques années, les pires effets du changement climatique sont présentés comme devant se produire dans le futur, en 2050 ou 2100. Cette distance temporelle crée un manque de connexion émotionnelle avec les gens, qui considèrent le sujet comme abstrait et complexe.
  • Le fatalisme : associé à ce qui précède, l’idée que le changement climatique est inévitable et ne peut être modifié, ou qu’il est trop compliqué ou trop coûteux pour faire quoi que ce soit, pousse d’autres personnes à jeter l’éponge et à rationaliser leur décision en minimisant ou en niant les risques.
  • Identité culturelle et politique : la position d’une personne sur le changement climatique est souvent liée aux opinions de ses pairs et de ses proches, ou du groupe social auquel elle appartient. Les gens peuvent nier le changement climatique afin de protéger et de maintenir leur identité et leur appartenance à un groupe et d’éviter ainsi tout conflit avec leurs proches.
  • Dissonance cognitive : la dissonance cognitive se produit lorsqu’une personne a des croyances ou des attitudes contradictoires. Dans le cas du changement climatique, il peut y avoir une dissonance entre la connaissance des effets négatifs de certaines actions (comme l’utilisation de combustibles fossiles) et la nécessité de maintenir son mode de vie actuel. Le déni du changement climatique peut être un moyen de résoudre cette dissonance.
  • Perception d’un manque de contrôle : le changement climatique est un problème mondial qui peut sembler insurmontable et indépendant de la volonté de chacun. Nier le changement climatique peut être un moyen de faire face à l’anxiété et au sentiment d’impuissance associés à l’ampleur du problème.
  • Peur du changement : le changement climatique entraînera des changements importants dans l’économie, la politique et le mode de vie des gens. Les gens peuvent être dans le déni du changement climatique parce qu’ils craignent les implications de ces changements et préfèrent garder les choses telles qu’elles sont, même si c’est impossible.

Pour une psychologue spécialiste, les négateurs du changement climatique ne sont pas des méchants, mais des victimes de leurs propres émotions. Dans sa conférence TED, elle explique comment « l’anxiété climatique », le catastrophisme et le négationnisme présents dans les médias polarisent les gens, qui réagissent en fonction de leur peur du changement et de ce que le changement climatique pourrait signifier pour nos vies, nos emplois et nos modes de vie.

Il existe trois réactions possibles, qui sont liées aux réactions naturelles des animaux lorsqu’ils se sentent menacés. Comme eux, les humains ont évolué pour faire face aux menaces par des réactions de lutte, de fuite ou de paralysie.

Cela signifie que certaines personnes luttent activement contre le changement climatique, d’autres ressentent de la peur et sont empêchées d’agir, tandis que d’autres encore évitent tout simplement le problème.

En fait, la plupart des négateurs du changement climatique ne sont pas des belligérants (malgré ce que leur présence sur les médias sociaux pourrait laisser penser), mais des « négateurs passifs », qui nient simplement le problème et ne veulent pas en entendre parler.

Pour  les spécialistes, le moyen de sortir ces personnes de leur passivité n’est pas la confrontation, mais la compassion et l’empathie. Il faut comprendre que le changement climatique est une menace bien plus grande que n’importe quelle autre solution, et mettre l’accent sur les avantages de l’action contre le changement climatique.

Une étude publiée en 2015 dans la revue Nature a interrogé 6 000 personnes dans 24 pays et a révélé que le fait de mettre l’accent sur les avantages partagés de la lutte contre le changement climatique était un moyen efficace de motiver les gens à agir, même s’ils se considéraient au départ comme des négationnistes.

Par exemple, les gens étaient plus enclins à prendre des mesures pour atténuer le changement climatique s’ils pensaient que cela conduirait à un développement économique et scientifique. Plus important encore, ces résultats s’appliquent à toutes les idéologies politiques, à tous les âges et à tous les sexes.

Le déni du changement climatique est en recul, mais la tactique consistant à retarder l’action climatique, sous l’impulsion de l’industrie des combustibles fossiles et des hommes politiques qui lui sont liés, menace de saper nos efforts en faveur d’un avenir durable. Ce n’est pas tant que les gens nient la nécessité d’agir contre le changement climatique, c’est seulement qu’ils choisissent de croire qu’il n’y a pas d’urgence et que cela peut attendre.

Une professeur de défis sociaux liés au changement climatique à l’université de Lausanne, a identifié quatre principales tactiques de retardement, à savoir

  • Détourner la responsabilité (le problème est causé par la Chine, pas par moi)
    promouvoir des solutions non transformatrices (le CO2 doit être capturé dans les pots d’échappement)
    se concentrer sur les aspects négatifs de l’action climatique (l’abandon des combustibles fossiles entraînera une hausse des prix)
  • S’abandonner au fatalisme (l’effort n’en vaut pas la peine, nous finirons tous par mourir).

Comment parler aux négateurs du changement climatique ?

Comment aborder le déni du changement climatique et la procrastination en matière d’action climatique et persuader les négateurs actifs ou passifs qui nous entourent ? Voici quelques stratégies basées sur la psychologie :

  • Communiquer avec empathie : il est essentiel de partager les informations scientifiques de manière accessible et compréhensible, mais communiquer ces données avec empathie et en comprenant la situation et les circonstances de l’auditeur peut augmenter la probabilité que les négateurs du changement climatique soient plus enclins à prêter attention.
  • Trouver un terrain d’entente : parler aux négateurs de questions et de préoccupations communes, telles que la santé, l’économie ou le désir d’un avenir meilleur pour les générations à venir. L’établissement de ce lien peut faciliter la communication et aider les gens à se sentir moins attaqués et à réagir de manière négative.
  • Utiliser des métaphores et des exemples de la vie quotidienne : les métaphores et les exemples liés à la vie quotidienne peuvent faciliter la compréhension et la mémorisation de concepts scientifiques complexes. Par exemple, comparer l’effet de serre à une couverture qui emprisonne la chaleur sur Terre peut être une analogie simple mais efficace, et moins menaçante qu’un gaz invisible dont les effets sont difficiles à comprendre.
  • Encourager la participation active : les négateurs du changement climatique sont plus susceptibles de changer d’avis lorsqu’ils participent à des activités liées au développement durable, telles que la reforestation, le nettoyage des plages ou la mise en place d’énergies renouvelables dans leur foyer. Cela peut les aider à mieux comprendre les problèmes et à percevoir directement les avantages de leurs actions et les dommages évités.
  • Les négationnistes ne sont pas des monstres, mais des personnes effrayées par une menace bien réelle. Aborder le déni du climat et le retard de l’action climatique d’un point de vue psychologique implique de comprendre les émotions et les motivations qui sous-tendent ces positions, et de les traiter avec compassion et empathie, plutôt qu’avec mépris, peut être la clé pour les rallier à la lutte contre le réchauffement climatique.

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