Pas le temps, pas les temps, pas le temps… Le « métro, boulot, dodo » transforme-t-il chacun de nous en lapin blanc d’Alice aux pays des merveilles ? Nous serions nombreux à jurer que oui.
Mais non, ce n’est pas le cas, répondent les sociologues du Centre pour la recherche sur les usages du temps de l’université d’Oxford. Malgré notre impression d’être perpétuellement surchargés, nous ne travaillons pas plus que les générations précédentes.
Le co-directeur du Centre, Jonathan Gershuny, explique dans Changing Times comment l’étude de milliers de carnets personnels d’emploi du temps (où les sujets notent demi-heure par demi-heure leurs activités) a permis de mesurer les changements de rythme survenus dans la vie des Occidentaux depuis un demi-siècle. Entre 1961 et 2001, les hommes britanniques ont ainsi gagné 50 minutes de loisirs ; la diminution plus importante de leur temps de travail étant en partie compensée par leur participation aux tâches domestiques. Les femmes, elles, ont fait une opération blanche. Le temps qu’elles consacraient à l’entretien du foyer est désormais dédié à leur métier.
Deux exceptions à ce constat : les parents célibataires qui travaillent, et les parents de jeunes enfants menant une carrière exigeant un haut niveau d’instruction. Eux sont réellement débordés.
Mais alors d’où vient cette impression de manquer de temps ? Du fait que nous avons tendance à exagérer le nombre d’heures travaillées (de 5 % à 10 % en moyenne aux Etats-Unis, selon une étude). Et plus on trime, plus on exagère. Rien d’étonnant pour Gershuny, qui souligne le poids de la culture actuelle du travail à outrance. La surcharge d’occupation est devenue « une marque de respectabilité », note-t-il. Dans The Atlantic, le journaliste Derek Thompson ajoute que nous sommes aussi pris de vertige face à l’abondance d’occupations possibles (toutes ces séries à regarder, ces livres à lire, ces restaurants à essayer…), et perturbés par la frontière plus floue entre vie privée et vie professionnelle. La généralisation des smartphones complique d’ailleurs l’analyse des carnets d’emploi du temps. Les minutes consacrées à l’activité quasi permanente qu’ils induisent sont difficiles à catégoriser : loisir, travail, tâche domestique ?
Désormais, avant de dire à quelqu’un que vous êtes débordé et n’avez le temps de rien faire, vous repenserez à ce que ces sociologues ont mis en avant. En effet, comme vous avez pu vous en rendre compte, notre génération ne travaille pas plus que la génération précédente. Très souvent, nous sommes débordés parce que nous avons une mauvaise organisation ou parce que nous sommes perturbés par quelque chose comme les réseaux sociaux, internet, son téléphone… Ainsi, en revoyant ses priorités et en se confectionnant un emploi du temps à respecter, vous vous apercevrez que finalement oui il vous reste quand même un peu de temps pour vous. C’est juste que vous ne le saviez pas, tout simplement. Avec de petits changements, on peut arriver à de grandes choses. Alors n’attendez plus pour vous en rendre compte. Tout le monde a du temps pour soi à condition d’être bien organisé, rien de plus.